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Publié le : 29/09/2022 16:25:59 - Catégories : Bébé dans l'Histoire
La notion d’hygiène apparaît au XVIIIe siècle, avec un intérêt particulier pour les enfants et les nouveau-nés. Des hospices sont créés pour recueillir les enfants trouvés, et l’assistance publique prend son essor. Le progrès social ne peut se faire sans une politique publique sur l’hygiène. La viabilité et la bonne santé du bébé et de l’enfant font partie intégrante de cette évolution.
Dans le cadre d’une situation démographique critique où la dénatalité est liée à la forte mortalité infantile, un puissant courant nataliste se met en place. S’il va de soi que la meilleure des alimentations pour un nouveau-né est le lait de sa mère, il est parfois nécessaire de recourir à l’allaitement artificiel.
Les données recueillies par les médecins chargés d’appliquer la loi Roussel – Théophile Roussel, médecin et homme politique, fait adopter en 1874 une loi qui met en place un Comité supérieur de protection de l’Enfance et établit la surveillance de tout enfant de moins de deux ans, placé en nourrice – démontrent qu’avant les découvertes de Pasteur, un grand nombre d’enfants placés en nourrice étaient allaités autrement qu’au sein.
La qualité du lait et du biberon va être au centre des préoccupations des médecins et des hygiénistes du XIXe siècle.
Qu’il soit en terre, en étain ou en verre, le biberon existe sous des formes très variées depuis l’Antiquité. Face à la pratique répandue de l’allaitement artificiel, une importante entreprise va se spécialiser dans ce commerce : celle d’Édouard Robert. Fondée à Dijon en 1869, elle est transférée à Paris vers 1880 et fabrique des millions de biberons, de tétines aux formes variées. Cet empire occupe alors tout un quartier de Paris, dont il reste aujourd’hui la rue Édouard Robert, dans le 12e arrondissement.
La plaque publicitaire rappelle le formidable succès du biberon à tube inventé vers 1860. Le tube, long parfois de cinquante centimètres, permet au bébé de se nourrir seul, à volonté, libérant ainsi une nourrice souvent accaparée par plusieurs nourrissons. Dans un cadre doré de style rocaille est représenté un bébé, blond aux yeux bleus, une médaille autour du cou. Il est assis dans un nid au milieu d’un arbre en fleurs, tétant seul un biberon à long tuyau.
La publicité restitue ici une image apaisée d’un enfant autonome qui attend dans son nid. Le biberon à tube connaît ainsi un engouement constant chez les mères et les nourrices. Mais ce modèle, déclaré dangereux lors d’un débat au Parlement, finit par être interdit en France. Impossible à nettoyer, le tube en caoutchouc favorise en effet la prolifération de microbes et, par là même, le décès du bébé intoxiqué.
La deuxième plaque publicitaire montre un biberon dit de forme « limande » avec une tétine. L’accroche précise que ce biberon est sans tube, caution de salubrité pour l’enfant. Dans un souci de rassurer, la maison Robert fait état de ses brevets et des nombreuses récompenses qui lui ont été décernées à travers le monde : médaille d’or à Bruxelles et à Melbourne en 1880, à Paris en 1882, 1883 et 1887, entre autres. Elle précise : « 26 ans de succès, deux millions de biberons vendus par an. » L’entreprise affiche ainsi sa longévité dans le domaine, gage de professionnalisme et de sérieux. Le succès est immense et la popularité de la marque ira jusqu’à donner son nom, en argot, aux seins des femmes.
Le grand danger de l’alimentation au biberon vient de l’absence d’hygiène, d’une mauvaise conservation du lait, de l’utilisation de lait cru et souvent falsifié, et de l’emploi de biberons en métal rouillé. En 1881, le docteur Fauvel révèle devant l’Académie de médecine que, sur trente et un biberons examinés, vingt-huit contiennent des végétations cryptogamiques et de très nombreuses colonies de microbes de la diarrhée infectieuse et du choléra infantile.
En 1885, ce type de contamination entraîne la mort de 20 et 30 % des nourrissons, et il faut attendre le Congrès international de l’hygiène de 1889 pour voir enfin le corps médical recommander à l’unanimité un lait bouilli. Cette même année, le rapport de l’Exposition universelle consacre un chapitre à l’hygiène du lait et se préoccupe du mode de stérilisation, sans addition chimique. En effet, le lait recueilli par Louis Pasteur dans des vases stérilisés s’est avéré vierge de bactéries.
Pour obtenir du lait sain, le contrôle sanitaire des étables s’impose (afin de détecter les vaches porteuses de la tuberculose) tout comme la mise en vente de lait pasteurisé et l’éducation des mères à la stérilisation domestique. Ces mesures entraînent une baisse sensible de la mortalité infantile à laquelle contribue l’emploi croissant des objets d’hygiène vantés par une publicité qui concerne de plus en plus l’intimité de la cellule familiale.
Auteur : Valérie Ranson-Enguiale